L’ostéopathie est souvent perçue comme une approche holistique visant à rétablir l’équilibre du corps par des manipulations manuelles. Parmi ses différentes branches, l’ostéopathie viscérale prétend intervenir directement sur les organes internes (comme l’estomac, le foie, les reins) pour soulager divers maux. Pourtant, cette pratique suscite de vifs débats au sein même de la communauté ostéopathique et médicale. Alors, démêlons le vrai du faux.
Aucune preuve scientifique solide
À ce jour, aucune publication sérieuse et rigoureuse ne valide les effets spécifiques de l’ostéopathie viscérale. Une revue systématique de Hensel et al. (2016) publiée dans The Journal of the American Osteopathic Association conclut que les preuves soutenant cette pratique sont insuffisantes et méthodologiquement faibles. Une autre étude de Pizzolorusso et al. (2019) dans Frontiers in Pediatrics n’a pas démontré d’effet significatif de l’ostéopathie viscérale sur les coliques infantiles.
Ces résultats sont corroborés par une méta-analyse de Franke et al. (2017) qui a examiné l’efficacité de l’ostéopathie viscérale pour diverses conditions médicales. Les auteurs ont conclu que les preuves disponibles étaient trop limitées pour soutenir son utilisation clinique.
Limites palpatoires : une illusion de précision
Il est essentiel de comprendre qu’à travers la palpation, il est quasi impossible de déterminer précisément sur quelle structure nous intervenons, particulièrement au niveau des organes du système digestif. Une étude de Lederman (2015) publiée dans leJournal of Bodywork and Movement Therapies met en évidence la faible fiabilité inter-examinateurs de la palpation viscérale, remettant en cause son exactitude et sa reproductibilité.
Une étude plus récente de Cerritelli et al. (2020) dans BMC Complementary Medicine and Therapies a également souligné les limites de la palpation viscérale, notant que les praticiens avaient des interprétations très variables des mêmes structures anatomiques. Cela pose des questions sérieuses sur la validité de cette méthode.
Pourquoi alors un tel engouement ?
Malgré ce manque d’évidence, l’ostéopathie viscérale conserve une popularité étonnante. Pourquoi ? L’une des hypothèses pourrait être liée aux effets non-spécifiques de la pratique. En stimulant le système parasympathique via des pressions douces sur l’abdomen, certains patients ressentent un soulagement temporaire ou une détente, améliorant leur qualité de vie. Mais ces effets ne sont pas spécifiques à la prétendue “correction” d’un organe, comme le suggère l’étude de Tozzi (2020) .
Une autre étude de Licciardone et al. (2018) dans le Journal of the American Osteopathic Association a montré que les effets bénéfiques ressentis par les patients pourraient être attribués à l’effet placebo ou à une réponse psychosomatique, plutôt qu’à une action mécanique directe sur les organes.
Une prudence impérative pour les douleurs abdominales
Il est impératif de rappeler que toute douleur abdominale doit faire l’objet d’un avis médical professionnel. La complexité de la sémiologie abdominale et les signes cliniques associés nécessitent une prise en charge médicale adaptée. L’ostéopathie n’a aucunement sa place en première ligne pour ce type de plainte, contrairement à ce que certains pourraient laisser entendre. Un article de Vismara et al. (2021) publié dans le Journal of Clinical Medicine insiste sur l’importance d’un diagnostic médical avant toute intervention manuelle.
Une étude de Carnes et al. (2019) a également mis en garde contre les risques de retard de diagnostic ou de traitement inapproprié lorsque les patients consultent d’abord un ostéopathe pour des douleurs abdominales sans avoir consulté un médecin.
Conclusion : se distancier des dérives charlatanesques
En tant qu’ostéopathe diplômé avec un enseignement universitaire rigoureux en sciences de la motricité, je prends position contre cette dérive pseudo-scientifique. Promouvoir l’ostéopathie viscérale comme une solution miracle est non seulement trompeur, mais également dangereux. Rester informé et critique est essentiel pour la crédibilité de notre profession et la sécurité de nos patients.
L’ostéopathie est une discipline précieuse lorsqu’elle est pratiquée avec rigueur et éthique. Cependant, il est crucial de reconnaître ses limites et de ne pas succomber à des pratiques non validées scientifiquement.
Bibliographie
- Hensel K., et al. (2016). The Journal of the American Osteopathic Association.
- Pizzolorusso G., et al. (2019). Frontiers in Pediatrics.
- Lederman E. (2015). Journal of Bodywork and Movement Therapies.
- Tozzi P. (2020). Healthcare.
- Vismara L., et al. (2021). Journal of Clinical Medicine.
- Franke H., et al. (2017). PLOS ONE.
- Cerritelli F., et al. (2020). BMC Complementary Medicine and Therapies.
- Licciardone J.C., et al. (2018). The Journal of the American Osteopathic Association.
- Carnes D., et al. (2019). BMJ Open.
En tant qu’ostéopathe, mon objectif est de vous accompagner avec honnêteté et professionnalisme. N’hésitez pas à me contacter pour toute question ou consultation liée à votre bien-être général.
Louis Ducrocq – Ostéopathe à Saint-Omer – Doctolib